Les fuites
Nos motos dégoulinent !
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Essence: C'est le nerf de la guerre. Sans essence, pas d'alimentation du moteur en énergie et la bête refuse tout effort restant sourde à nos supplications, à nos promesses et à nos mots d'amour. L'essence se met dans le réservoir du même nom, entre les genoux. Une fuite d'essence est toujours grave car elle peut conduire à la mise à feu de la machine, vaporiser le pilote et le transformer en son et lumière, ce qui, en soi, peut se concevoir. Ce qui l'est moins, c'est la perte subséquente de l'engin de nos rêves. Mais elle est facile à détecter car elle ne salit pas, de suite tout au moins, donc on peut facilement voir d'où le problème arrive. La forte odeur qu'elle dégage nous alerte très vite. Il s'agit généralement d'une durit défectueuse. Voyons un peu le circuit d'essence. Le réservoir comporte un robinet de sortie réglable sur trois positions: Normal, Réserve, Forcé. Parfois, une quatrième: Arrêt. Selon l'origine de la moto, ces termes sont anglicisés. En position "Normal" le passage de l'essence est commandé par la dépression qui règne dans l'admission. Si le moteur ne tourne pas, il n'y a pas d'écoulement d'essence. C'est donc une sécurité. (Attention: Si le tube de dépression est percé, le moteur ne tournera pas). La cane d'aspiration arrivant à quelques centimètres au dessus du fond du réservoir, celle-ci désamorce alors qu'il reste encore quelques litres au fond. Ce reste constitue la "réserve", ultime avertissement avant la panne sèche. On peut utiliser cette réserve en positionnant la commande du robinet sur "Réserve". Dans cette position, on assèche le réservoir. En roulant, une certaine mollesse des reprises, surtout en virage, est le signe qu'il est temps de "passer" sur "Réserve" avant l'arrêt du moteur. La position "Forcé" ou "Prim" laisse s'écouler l'essence par gravité, que le moteur tourne ou non. On l'utilise uniquement en maintenance pour remplir les carburateurs vides, autrement qu'au démarreur, ou pour vider le réservoir. Depuis le robinet une durit amène l'essence aux carburateurs ou à la pompe à injection. Parfois un filtre à particules est inséré entre les deux. Les fuites d'essence peuvent donc provenir d'un réservoir percé, d'un robinet défectueux, de durits usagées ou de carburateurs qui débordent. Sur les modèles à injection, les tuyauteries à haute pression reliant la pompe aux injecteurs peuvent fuir. Pour un réservoir percé, le démontage s'impose. On ne doit jamais tenter de souder un réservoir, même vide, les vapeurs qu'il contient sont explosives. La réparation s'effectue avec des pièces rapportées, internes et externes reliées entre elles par vis, rondelles et écrous. Le robinet est irréparable: son remplacement s'impose. Les durits également. Si une durit fuit à un raccord, sa réparation ne peut être que provisoire car c'est le signe qu'elle est pourrie sur toute sa longueur. Toujours monter les durits avec protection textile autour et collier. Les fuites de carburateurs sont le signe qu'une vis pointeau ne ferme plus lorsque la cuve est pleine. Il faut démonter le chapeau du carburateur et remplacer la vis pointeau par une neuve du même calibre. Remonter la chapeau avec un joint neuf. Serrer sans excès. Concernant les fuites de tuyaux haute pression, il s'agit toujours de fuites aux raccords dont les joints métalliques, cuivre généralement, sont avachis et demandent à être remplacés. Le serrage s'effectue avec une clé dynamométrique, En effet, la persistance d'une fuite, malgré des serrages de brute, limite foirage du filetage, indique un défaut de tarage de l'injecteur. Donc en cas de fuite persistante à ce niveau, faire contrôler le tarage. Le démontage est facile et vous évitera de payer de la main d'oeuvre. |
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Huile: L'huile a généralement deux fonctions: la première est de former un film visqueux entre les pièces en mouvement afin de réduire les effets des frottements, à savoir l'usure et l'échauffement. De la qualité de l'huile, dépendent directement la durée de vie et les performances dynamiques du moteur (voir les lubrifiants). La deuxième est une fonction accessoire très utile puisqu'elle permet, par un circuit approprié différent de celui du graissage, le refroidissement du moteur par la circulation de l'huile dans un radiateur. Les fuites d'huile sont les plus courantes et souvent difficiles à cerner car une seule goutte salit plusieurs décimètres carrés. Sur cette surface collante, s'agglutinent ensuite toutes les poussières et saletés diverses qui passent par là, ce qui fait que faute d'un nettoyage régulier et rigoureux, une fuite minime devient indécelable. Un carter maculé d'huile doit d'abord être nettoyé soigneusement à l'essence puis à l'eau chaude savonneuse et rincé pour rechercher l'origine du suintement. Ne jamais resserrer au pif: toutes les vis ont été serrées en usine à la clé dynamométrique et c'est suffisant. Un excès de serrage va déformer les divers carters et aggraver le problème. Neuf fois sur dix c'est une déformation consécutive à un serrage excessif qui est la cause de la fuite. Il convient donc de démonter le carter en cause et de monter un joint neuf puis de serrer à la clé dynamométrique. En cas de déformation, la fuite réapparaîtra. Dans ce cas, démonter et rôder sur un marbre (plaque métallique épaisse parfaitement lisse et plane) avec de la pâte à rôder. Ce n'est pas difficile à faire. Les durits de raccordement au radiateur se remplacent ainsi que les joints; Si le radiateur fuit, consulter un spécialiste car c'est rarement réparable. Ne jamais utiliser de produit miracle stop-fuite, c'est un désastre pour le moteur. |
![]() | Eau: Certains moteurs, en plus du circuit de refroidissement par l'huile ont un circuit d'eau pour les culasses. Elles disposent donc d'un second radiateur. Ce système est monté sur les sportives à fort taux de compression ayant donc tendance à chauffer. La moindre fuite est donc à traiter de toute urgence. Il y va de la vie du moteur. Ces machines sont d'ailleurs équipées de thermomètres d'eau ou d'un voyant d'alarme. Les seules fuites possibles surviennent sur le radiateur (choc) ou les durits qu'il convient alors de remplacer par des neuves. Toujours pareil, protection textile et colliers non blessant. |
![]() | Fluide hydraulique: Pas moins de 2 circuits hydrauliques pour les freins avant et arrière. Un réservoir chacun: surveiller les niveaux à chaque départ. Celui du frein avant est sur le guidon à droite, celui de l'arrière en dessous de la selle à droite également. Contrôler la propreté des disques de frein. Un étrier qui bave sur un disque, c'est peut être le cimetière au bout de la rue. Là encore, il n'y a pas de bricolage possible. Les fuites peuvent provenir des réservoirs, des durits de raccordement ou des étriers. Seul le remplacement par du neuf est envisageable suivi d'une purge et d'un essai statique (pompage et vérification du blocage de roue à l'arrêt). Les plaquettes de frein peuvent être récupérées après lavage à l'essence, séchage et ponçage au papier de verre fin. Poser le papier de verre sur une table et frotter la plaquette dessus en faisant des huit. Après remontage, rôder les plaquettes (50 km). Un circuit hydraulique aussi pour certains embrayages. Le réservoir est à gauche sur le guidon. Moins crucial que les précédents. Le circuit est identique à celui des freins à ceci près qu'au lieu des étriers, il y a un cylindre récepteur sur le bloc moteur. On peut aussi trouver sur quelques motos des réservoirs hydrauliques supplémentaires destinés aux amortisseurs avants ou arrières. Surveiller les fuites éventuelles et les faire traiter par un professionnel car cela nécessite un outillage spécifique et très onéreux. |
![]() | Divers: Les modèles "cruiser" disposent d'équipements supplémentaires sophistiqués, lave-glace ou lavabo par exemple. Les fuites à ce niveau, eau ou pipi, n'entraînant pas d'inconvénients majeurs, nous les passerons sous silence. |
En conclusion: Les fuites, même légères doivent être surveillées. Le moteur doit être tenu propre pour les déceler. Ne jamais resserrer, sauf cas évident. Le resserrage aggrave toujours le problème même s'il semble solutionner l'immédiat. Les fluides coûtent cher. La négligence des fuites vous coûtera encore plus cher. Seul un entretien rigoureux, fait par vous-même, vous mettra à l'abri de ces inconvénients car il vous permettra d'anticiper en remplaçant des durits qui commencent à se craqueler par exemple. Protégez vos radiateurs et vos carters des chocs avec des protections latérales.
Les joints:
Pas d'étanchéité sans joint. Mais non, je ne vous convie pas à tirer un pétard, ici on parle de moto exclusivement. Il existe deux familles de joints, ceux placés entre deux pièces en mouvement, les "dynamiques" et ceux placés entre deux parties fixes démontables l'une par rapport à l'autre, les "statiques".
Les joints dynamiques sont des joints à lèvre encore appelés joints "spi". Ils sont constitués d'un anneau en élastomère avec une gorge interne dans laquelle est placée un ressort appliquant une lèvre mince sur une pièce en mouvement, un axe généralement. Le joint est emmanché à force sur son diamètre extérieur. Les fuites proviennent du vieillissement de l'élastomère ou de l'usure de la lèvre en raison d'un montage inadapté ou de la présence de saletés abrasives. Ils sont utilisés sur l'arbre de sortie de boite à vitesses par exemple.
Les joints statiques sont des joints plats réalisés en divers matériaux (papier, cuivre, aluminium,caoutchouc ou combinaisons diverses) selon leur destination (pression, température, milieu). Les fuites proviennent du voilage des pièces à cause d'un serrage trop élevé (majorité des cas), de l'ébréchage des éléments assemblés par des chocs ou coups de tournevis et bricolages divers. Ils sont utilisés sur les carters d'embrayage par exemple ou comme joints de culasses.
Un joint un peu particulier est le joint torique à mi-chemin entre les deux car il sert parfois entre deux pièces mobiles, mais à déplacement très lent et épisodique. C'est un anneau de plastique ou de caoutchouc logé dans une rainure et qui est appliqué sur la surface lisse d'une pièce plane ou cylindrique régulière. Les fuites proviennent du vieillissement du joint (fissures), d'un voilage des pièces jointées, d'une blessure au montage ou d'une dimension inadaptée (lors du remplacement).
En principe, le démontage des joints n'offre aucune difficulté. Il suffit de décoller le joint et de nettoyer sa portée. MAIS ATTENTION à ne pas cochonner le travail ! Il faut que les portées soient parfaitement propres et ne soient pas rayées ou griffées à coups d'outils inadaptés. Pas de raclage au tournevis, par exemple. Utiliser un grattoir digne de ce nom. Il faudra parfois beaucoup de patience. Si la pièce est plane, elle doit être contrôlée au marbre (voir ci-dessus) de la façon suivante: sur le marbre, répandre de la "sanguine", sorte de graisse poisseuse de couleur rouge. Celle-ci peut être remplacée par de la poudre utilisée dans les cordeaux de maçon (bleue ou rouge) mélangée à un peu d'huile pour obtenir un produit très épais et collant. Une mince couche suffit. On frotte la pièce sur le marbre en faisant des huit, deux ou trois fois et on inspecte la surface. Les parties proéminentes sont colorées, les creuses non. Si tout est coloré, deux raisons possibles: ou la pièce est parfaite, ou il y a trop de sanguine sur le marbre et il faut recommencer en réduisant la quantité de colle. Si la pièce est voilée, il faut la rôder, car aucun joint ne pourra jamais la colmater. Il suffit simplement de remplacer la sanguine par de la pâte à rôder, poudre d'émeri mélangée à de l'huile. Et on fait des huit, beaucoup et encore, longtemps. De temps à autres, on nettoie la pièce et on l'inspecte. Facile: les parties abrasées sont de couleur différente, plus grises. Il suffit de continuer jusqu'à ce que la totalité du plan de joint soit uniformément grisée. Ouf !
Allez, on remonte. Il va pleuvoir. Les joints à lèvre se montent à la main en enduisant la partie externe de savon, pas de graisse, cela nuirait au serrage. Pas de coups qui déformeraient le joint, lequel, à terme après rodage, fuirait à nouveau. Si ça force, c'est que le joint n'est pas droit. On se calme. Ensuite enfiler l'axe avec de l'huile ou de la graisse pour protéger la lèvre et favoriser son introduction (ohhh). Si l'axe est cannelé, il convient de l'entourer d'une capote ( on n'en sort pas) afin de ne pas marquer la lèvre du joint. Les joints plats se montent à sec, à l'huile, à la colle ou à la pâte. Personnellement, je proscris l'usage de la pâte qui ne servira que pour rattraper un défaut de voilage ou une blessure du plan de joint, du bricolage en somme. L'huile permet de faire tenir le joint le temps d'assembler les pièces et d'éviter son collage, ce qui facilite son démontage ultérieur sans le briser. Personnellement, j'opte pour une solution qui permet de faire tenir seulement. En principe, tout joint démonté est remplacé. Donc, je colle (produit spécial) le joint sur la pièce fixe et pose à sec la partie mobile dessus. Évidemment, en cas de démontage, il faudra gratter. Pour enduire le joint, on le pose à plat et on passe une très fine couche de colle avec le doigt en faisant attention de ne pas le déchirer, sinon on le remplace. Jamais la colle ne doit baver. Les joints toriques se glissent sur les axes, ou sont logés dans leur saignée avec un peu d'huile ou de graisse s'il faut assurer un maintien lors du remontage. Si ça force, le tore est marqué ou s'échappe de son logement, donc fuite. Avoir présent à l'esprit que le serrage des vis rapproche les pièces qui s'appuient sur le joint. Serrer comme un forcené conduira au voilage, inéluctablement. Là encore, si vous êtes trop costaud, utilisez une clé dynamométrique.
Voilà.
Bernard